dimanche 4 décembre 2011

[revue de presse] - [117] - [29 novembre - 4 décembre 2011]


APRES L'ASSASSINAT DE PAPA A KARACHI, J'AI DECOUVERT LE MENSONGE 
Paris Match, Magali Drouet, propos recueillis par Caroline Fontaine / 29.11.2011
"Nous sommes en mai. Pourtant, ce lundi, il fait un froid glacial. Chacune des 11 familles est alignée derrière le cercueil de son proche sous un chapiteau dressé sur la plage Verte, à Cherbourg. Faute de place, certains parents ont dû rejoindre le public: 10 000 personnes veulent assister à l’hommage national donné en l’honneur de nos pères, employés de la Direction des constructions navales (DCN), tués à Karachi, au Pakistan, lors d’un attentat visant leur bus.

Longtemps nous attendons l’arrivée des officiels. Enfin le président Jacques ­Chirac apparaît, entouré de son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, et de sa ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. En saluant le président, Sandrine, la fille d’un des tués, lui glisse à l’oreille quelque chose du genre : « Il faudra trouver les responsables, savoir pourquoi. » Jacques Chirac lui fait une réponse rassurante : « On fera tout pour. » On nous martèle qu’Al-Qaïda est à l’origine de l’attentat. C’est quelques mois après ceux du 11 septembre, alors, crédules, assommées de chagrin, nous acceptons cette version.

 “NOUS AVONS VÉCU SIX ANS DANS LE MENSONGE D'ETAT!”

 Les premières années, nous tentons de retrouver un équilibre. Nos pères, souvent les seuls à travailler dans nos foyers, nous manquent. Entre familles de victimes, nous ne communiquons pas ; la DCN a fait son possible pour qu’il en soit ainsi, refusant notamment de fournir les coordonnées des unes aux autres. Entre 2002 et 2008, nous vivons chacune enfermée dans sa souffrance. Le juge Bruguière mène l’enquête. Nous avons confiance en lui. Puis, fin 2008, des articles dans les journaux montrent qu’Al-Qaïda ne peut pas être coupable. Nous n’imaginons pas que la mort de nos pères puisse être liée à la politique de la France. Or les journalistes citent le rapport Nautilus. Selon ce document, l’attentat a été commis en représailles contre le gouvernement français qui n’a pas respecté ses engagements financiers sur un contrat de vente d’armes avec le Pakistan. Le contrat Agosta 90 B. Pour se venger d’Edouard Balladur qu’il soupçonne d’avoir financé sa campagne présidentielle en partie avec les rétrocommissions de cet accord, Jacques Chirac, une fois élu, aurait interrompu le versement des commissions liées à ce contrat.

 Nous avons donc vécu six ans dans le mensonge d’Etat ! Nous nous réveillons d’un coup. La justice n’avance pas, des pièces essentielles du dossier ont été ­annulées, le juge Bruguière refuse d’explorer d’autres pistes. Notre avocat, celui de SOS Attentats, n’a pas fait son travail. Nous découvrons qu’il est aussi le conseil du ministère de ­l’Intérieur. Quel choc ! Avec d’autres ­familles, nous nous regroupons pour mener la bataille.

 Aujourd’hui, plusieurs personnes sont mises en examen – Ziad Takieddine, Nicolas Bazire, Thierry Gaubert… Et les derniers développements de l’enquête semblent montrer que cet attentat est bien lié au financement de la campagne électorale d’Edouard Balladur en 1995. J’ai l’espoir qu’un jour je saurai enfin pourquoi nos pères ont été tués. Nous avons perdu notre naïveté, notre innocence. Une ou deux fois par semaine, je me rends à Paris rencontrer mon avocat, le juge, donner une interview... Ce combat obsédant, c’est compliqué. Et cela représente beaucoup de temps et d’argent. Ma fille a 6 ans. Je ne l’ai pas vue autant que je l’aurais voulu... Après neuf ans de procédure, je suis en décalage par rapport à ce qu’aurait dû être ma vie. Mais ce combat m’a rendue plus forte"
lien direct: http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Apres-l-assassinat-de-papa-a-Karachi-j-ai-decouvert-le-mensonge-.-Par-Magali-Drouet-355549/




CAMPAGNE DE BALLADUR EN 1995 : UN ANCIEN MEMBRE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL PARLE D'"ENTOURLOUPE"
Le Point, AFP / 01.12.2011
"Jacques Robert, un juriste qui siégea de 1989 à 1998 au Conseil constitutionnel et à ce titre eut à examiner les comptes très contestés de la présidentielle de 1995, notamment ceux d'Edouard Balladur, affirme que cette institution a servi "de caution à une belle entourloupe".

Dans une interview jeudi au Parisien-Aujourd'hui en France, M. Robert, qui avait été nommé au Palais Royal par le président socialiste de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, raconte la façon dont les juges constitutionnels, présidés par Roland Dumas, ont délibéré sur ce dossier majeur et fini par le valider, malgré leurs doutes.

"Les comptes du candidat Balladur accusaient 10 millions de francs de recettes d'origine inconnue. Ils étaient donc irréguliers", assure-t-il, ajoutant que l'ancien Premier ministre n'a jamais répondu aux demandes d'explications des trois conseillers rapporteurs.

Pour lui, les comptes du candidat vainqueur Jacques Chirac n'étaient pas non plus corrects "mais les irrégularités n'avaient pas une telle ampleur".

Les confidences de cet ancien professeur de droit interviennent sur fond de "dossier Karachi", avec une enquête judiciaire sur d'éventuelles rétrocommissions liées à un contrat d'armement avec le Pakistan, qui aurait financé la campagne Balladur.

Le 25 novembre, la justice a élargi son enquête à des contrats d'armements postérieurs, sous la présidence de Jacques Chirac.

Selon un membre de l'UMP ancien balladurien, il n'y a "absolument rien de nouveau dans cette interview". "Il est par ailleurs très étonnant que cet homme qui se souvient de choses extrêmement précises et anciennes ne se souvienne pas de son propre vote".

A plusieurs reprises, l'ex-Premier ministre (1993-1995) a affirmé que sa campagne de 1995 avait été "financée dans le respect de la législation en vigueur".

"Pourquoi parler maintenant? Il s'agit très clairement d'un contre-feu" après la récente décision du parquet d'élargir l'enquête sur l'attentat de Karachi au camp chiraquien, selon cette source.

M. Robert, dans l'interview, dit se souvenir "parfaitement" de ce délibéré. "Et ce n'est pas un bon souvenir. Je vis très mal la façon dont le droit, à cette occasion, a été tordu". Mais il admet effectivement avoir oublié ce que fut son vote. "Peut-être ai-je finalement rallié les arguments de Roland Dumas".

Pour M. Robert en effet, l'ex-ministre de François Mitterrand a pris la parole devant le conseil pour dire : "nous ne sommes pas là pour flanquer la pagaille".

"Mon impression, c'est que Roland Dumas, Jacques Chirac et Edouard Balladur se tenaient à l'époque par la barbichette. Et que nous avons servi de caution à une belle entourloupe", affirme ce président honoraire de l'université Panthéon-Assas, aujourd'hui âgé de 83 ans.

Interrogé par l'AFP, le constitutionnaliste Didier Maus a rappelé que les membres du Conseil constitutionnel s'engageaient par serment à ne pas dévoiler le secret des délibérés. Il observe cependant que "ce n'est pas la première fois que cette règle est bousculée" citant notamment un livre dans lequel Pierre Joxe a relaté des désaccords avec des décisions de l'institution à laquelle il appartenait.

Par ailleurs, selon M. Maus, ce n'est pas du tout une annulation de l'élection présidentielle qui aurait pu être décidée, puisqu'il s'agissait d'un candidat battu, mais seulement un non remboursement de son compte."
lien direct: http://www.lepoint.fr/societe/campagne-de-balladur-en-1995-un-ancien-membre-du-conseil-constitutionnel-parle-d-entourloupe-01-12-2011-1402698_23.php

Autre article:
- JACQUES ROBERT, INTERVIEW INTÉGRALE, Le parisien 01.12.2011 




DASSAULT, TAKKIEDINE, JUNIAC, GAUBERT : L'ALBUM PHOTO DU CLAN PRESIDENT EN COLOMBIE
Mediapart, Karl Laske, Fabrice Arfi. 02.12.2011
 "De nos envoyés spéciaux en Colombie.

«Ici, c'est une vie saine. On fait des promenades, du sport, du cheval. C'est pas un lieu de turpitudes. C'est pas Saint-Tropez.» Thierry Gaubert tente de répondre à la question que tout le monde se pose. Pourquoi Nilo ? Pourquoi lui, le protégé de Nicolas Sarkozy, a-t-il choisi un petit village colombien, à 150 km de Bogota et 9.000 km de Paris, pour y construire la villa de ses rêves, la finca Cactus, en 2001. Pourquoi ? Si ce n'était pour la cacher. Dissimuler la propriété, en même temps que l'argent noir qui a servi à son édification et à son entretien.

L'histoire professionnelle de Thierry Gaubert, qui doit être jugé prochainement à Nanterre dans un important scandale immobilier, est tissée de missions financières occultes. Sa femme, Hélène, a parlé en septembre aux juges de ses voyages en Suisse avec le marchand d'armes Ziad Takieddine, des remises de fonds en espèces à Nicolas Bazire, actuel n°2 du géant du luxe LVMH, durant la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, en 1995.

Elle a rappelé au passage que lorsqu'il « allait en Suisse avec Ziad Takieddine », son mari « travaillait au ministère du budget »... sous les ordres de Nicolas Sarkozy. Gaubert, Bazire et Takieddine sont aujourd'hui mis en examen par le juge Van Ruymbeke dans ce dossier.

Le 5 juillet, en faisant irruption dans les bureaux et au domicile de l'ami du président, les policiers français qui travaillent avec le magistrat vont faire une moisson de photos : stockées dans les ordinateurs, dans les boîtes mails ou des albums classiques. Ces clichés obtenus par Mediapart révèlent la Colombie secrète de Thierry Gaubert. La finca Cactus, soustraite depuis dix ans à la curiosité du fisc. Un visiteur de marque, Ziad Takieddine, qui viendra deux fois, est aperçu sur l'un des clichés, ici en décembre 2002.

Il était logique qu'il vienne. A l'époque de cette photo, le marchand d'armes, qui a contribué à l'enrichissement de M. Gaubert, est devenu l'un des rouages du clan Sarkozy autour des marchés du ministère de l'intérieur. M. Takieddine invite lui-même beaucoup dans sa propriété du cap d'Antibes, le premier cercle du futur chef de l'Etat : outre M. Gaubert, ses amis Dominique Desseigne (patron du Fouquet's), Brice Hortefeux, Pierre Charon et Jean-François Copé.

En 2002, pour les fêtes de Noël, la finca Cactus attend un autre homme clé de ce réseau politique : Olivier Dassault, fils du célèbre avionneur, député UMP de l'Oise et administrateur de la Socpresse, la société éditrice du quotidien Le Figaro. Lors d'une randonnée, Takieddine et Dassault prennent la pose autour de Thierry Gaubert.


Simples photos de randonneurs ou flagrant jeu d'influence ? La question se pose. Comme Mediapart l'a déjà raconté, photos à l'appui, Etienne Mougeotte, le directeur des rédactions du Figaro, alors vice-président de TF1, avait été lui aussi plusieurs fois l'invité de M. Takieddine à des dîners organisés dans sa résidence parisienne, aux côtés de Charles Villeneuve, l'ancien animateur et producteur du Droit de savoir.

Malgré ses liens, M. Mougeotte avait défendu « l'objectivité » du traitement – autant dire l'absence de suivi... – de l'affaire Takieddine dans les colonnes de son quotidien.

La famille des propriétaires du Figaro a d'ailleurs déjà frayé avec Takieddine. Fréquemment invité à ses dîners, Thierry Dassault, le frère d'Olivier, patron de la branche «multimédia» de l'empire familial, avait investi dans la société Gemplus aux côtés du marchand d'armes. « Olivier Dassault, c'est un très bon ami, explique Thierry Gaubert. Il est venu avec sa femme et son fils, et je n'ai jamais fait d'affaires avec lui. »
Suite de l'article (payant): http://www.mediapart.fr/journal/international/021211/dassault-takieddine-juniac-gaubert-lalbum-photos-du-clan-presidentiel-e

Autres articles :
EN COLOMBIE, LE PALAIS CACHE D'UN HOMME DU PRÉSIDENT, Mediapart. 01.12.2011
- NIBAR ET NICHON, LES DRÔLES D'AFFAIRES DE THIERRY GAUBERT ET SON ASSOCIE, Mediapart. 03.12.2011

Complément, le pearltree des articles de novembre 2011:
Novembre 2011 dans 2011 / Karachi Gate /  (sebmusset)